Les compilateurs suivent à l’évidence l’ordre qu’ils ont trouvé au chartrier, sans que l’on puisse déterminer si cet ordre a été donné, ou affiné, en vue de la compilation, ou s’il est plus ancien, ce qui est vraisemblable. Quelques ruptures entre la numérotation du Cartulaire et la cotation anciennes des originaux montre que le compilateur a très généralement fait correspondre un chapitre à un contenant (coffre ou layette) des archives, même si plus tard la numérotation des actes au Cartulaire a tendu au regroupement de petites unités.
Le classement d’ensemble des chapitres s’opère sur une base thématique (offices claustraux, types de droits ou d’actes) et, surtout, topographique, le tout montrant quelques perturbations codicologiques et quelques hésitations dans l’ordonnancement général, qui, depuis Saint-Denis même, progresse dans l’espace en s’éloignant progressivement du centre.
Ce principe cause – comme dans le chartrier – quelque hésitation dans le rattachement de satellites éloignés, et quelque gêne quand un acte concerne plusieurs lieux ; sans ménager de renvois, les compilateurs (ou leurs prédécesseurs) ont été empiriques : lorsqu’il disposent de deux originaux, voire d’actes se répondant, ceux-ci peuvent se voir répartis entre deux chapitres.
À l’intérieur de chaque chapitre, les actes sont la plupart du temps classés dans un ordre chronologique très rigoureux, au mois et au jour près, qui atteste aussi que les compilateurs (ou plutôt les archivistes les ayant précédés) ont tenu compte de la conversion des dates exprimées, non par le mois et le quantième, mais par référence à une fête liturgique, aussi bien que des millésimes formulés en ancien style. Mais, ici encore, l’ordre peut être rompu, voire bouleversé.
Les méprises ou irrégularités les plus voyantes sont constituées par des déclassements relativement fréquents, qui font copier dans un chapitre un acte relevant d’un autre chapitre. Relevées plus ou moins rapidement (selon les cas, avant la confection de la table initiale, des anciens inventaires, avant la numérotation définitive des transcriptions…), elles constituent de précieux indices sur l’organisation du chartrier monastique. Comme le prouvent en effet les notes encore lisibles au dos des originaux, les actes portaient, lorsque les compilateurs entreprennent leur travail, des indications plus ou moins développées sur le contenu des actes (qui inspirent souvent les rubriques du Cartulaire), et une « cote » limitée à un seul élément – un numéro d’ordre –, mais pas le nom, presque toujours un nom de domaine, du contenant (coffre ou layette). Outre les cas où des actes avaient été mal classés dès l’origine, il suffisait donc qu’un acte eût été mal réintégré après consultation pour que le compilateur du Cartulaire les enregistrât dans un mauvais chapitre, ce dont on pouvait ensuite s’apercevoir, naturellement, plus ou moins tôt : assez tôt parfois pour annuler la transcription et la sauter dans la numérotation, en reportant la copie dans un autre chapitre (LL 1157, p. 475, ci-dessus : « hec debet esse in cophino de Bello Ramo, XXXV ») ou trop tard pour faire plus qu’une remarque marginale (LL 1157, p. 473, ci-contre : « ista littera est et debet esse in coffino Prati Sancti Gervasii, ubi sunt littere de Noisiaco »).
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