On a vu que l’Inventaire laissait échapper des documents, originaux non retrouvés ou copies de cartulaire jugées sans intérêt pour la défense et illustration de l’abbaye ; il n’en demeure pas moins le moyen de saisir le plus commodément et le plus largement les richesses du chartrier, avec près de 3300 regestes d’actes jusqu’à l’orée du XIVe siècle, à comparer avec les quelque 2600 transcriptions du Cartulaire blanc, auxquelles il offre aussi du coup un accès commode.
La même constatation s’impose au fond : le détail et la précision des regestes font de ceux-ci des outils précieux, mais à recevoir avec autant de prudence ; les identifications de lieux sont sujettes à caution, les termes institutionnels parfois travestis, les mots latins décalqués mécaniquement, certains montages compris de travers, et le tout est souvent recouvert d’un vernis d’anachronisme qui peut être trompeur si la traduction (puisque aussi bien la longueur de certains regestes confine à la traduction) n’est mise en rapport avec la version originelle du document. Historiens amateurs à bonne école, l’auteur ou plutôt les auteurs de l’Inventaire sont avant tout des praticiens, dont la maîtrise des clauses et des négoces devient patente dans le traitement des actes de juridiction gracieuse du XIIIe siècle, qui devaient leur être encore assez familiers.
Un autre écueil réside dans le classement chronologique en apparence strict, au mois et au jour près, des actes. Écueil d’abord avec les conversions de millésime qui, en début d’année, sont bien prises en compte, mais non indiquées (le millésime exprimé demeure en ancien style : « février 1230 » suit « décembre 1230 »), et surtout apparemment pliées à l’usage du style de Pâques, dont l’emploi est tout autre que sûr. Écueil aussi du fait que certaines dates sont mal interprétées, certains auteurs confondus (lettres d’Alexandre IV pris pour Alexandre III, classées à l’année 1163 au lieu de 1258 : n° 354-355 ; acte du roi Robert Ier pris pour Robert II, à la suite de Doublet d’ailleurs, et classé à l’année 988 au lieu de 923 : n° 166), des actes non datés, enfin, assignés à toute force à une année précise (« Environ l’an… ») mais très arbitraire.